Participation citoyenne

Introduction

Introduction Habitat et Participation a voulu, dès l’origine, promouvoir une prise de conscience chez les concepteurs de projets urbanistiques et architecturaux de l’importance à prendre en compte l’avis des habitants pour la création ou l’aménagement de logements et d’espaces qu’ils auront à s’approprier. Aujourd’hui encore, dans l’émergence d’une société nouvelle qui doit articuler les échelles micro et macro de manière harmonieuse, nous croyons toujours que le citoyen a plus que jamais non seulement le droit, mais aussi le devoir de participer à la vie en société. Nous pensons que la participation est tout à la fois un objectif à atteindre dans une société de démocratie représentative et une méthodologie pour développer des projets et des processus de long terme. C’est pourquoi nous aborderons la participation d’abord sous l’angle plus politique : mobiliser pour une citoyenneté active, puis nous parlerons des outils de participation.

Bref historique de la participation

« Je ne crois pas que la démocratie puisse survivre, sauf comme une formalité, si la participation du citoyen est limitée au vote, s’il est incapable d’une certaine initiative et sans possibilité d’influencer la structure sociale, économique et politique qui l’entoure… L’individu ne peut influencer que s’il a du pouvoir.  » (Paul Alinski)

La révolution industrielle va créer toute une série de déséquilibres face aux modes de fonctionnement  » traditionnels  » : poussées démographiques dans les villes, conséquences sociales désastreuses, transformation des moyens de production et de transport, modification des échelles de vie (nous en sommes aujourd’hui à la mondialisation), etc. C’est dans ces conditions que vont naître les mouvements utopistes, collectivistes au XIXme siècle, mouvements avant-gardistes de la  » participation « .

Un exemple intéressant est celui du Grand Hornu à Boussu en Belgique. Cette cité ouvrière pour le charbonnage et la métallurgie, véritable cité jardin de 425 maisons avec tout le confort voulu, illustre la réaction patronale face aux dysfonctionnements sociaux en introduisant une dimension collective de vie.

Des luttes urbaines se sont largement répandues en Europe dans les années 65-70. Elles ont créé de multiples actions de  » participation-contestation « . Ce type de participation débouche souvent sur le rejet de la demande ou, au contraire, par une reprise  » institutionnelle  » de la revendication.

Par ailleurs, on assiste également à l’émergence de participation spontanée dans les domaines de l’habitat (auto-construction et vie communautaire), de la culture (Centres culturels, Maisons de jeunes), de l’instruction (éducation permanente), des médias (radios libres), etc.

Aujourd’hui, beaucoup déplorent la raréfaction des phénomènes de participation spontanée ou revendicative, si ce n’est lors de phénomènes  » NIMBY  » (Not In My Back Yard – pas dans mon jardin) constatés par exemple lors de l’installation d’une nouvelle décharge : les habitants se mobilisent contre la décharge qui pourrait s’installer à proximité de leur habitation sans aucune réflexion collective sur la manière de gérer autrement les déchets ni sur le fait que cette décharge devra de toute façon s’implanter quelque part. Sans entrer dans les causes et conséquences de ce phénomène, signalons toutefois qu’en revanche nombre de secteurs ont vu des espaces de participation institutionnalisée s’instituer.

Des phénomènes récents comme celui des marches blanches dans toute la Belgique montrent un évident besoin de participer au sens  » d’être pris en compte « ,  » d’être informé « ,  » de fonctionner de manière plus transparente et transversale au niveau des institutions belges « , etc. Les citoyens, plus que se mobiliser, souhaitent avoir un certain accès au contrôle des décisions qui sont prises pour eux ou en leur nom. Les retransmissions télévisées des grandes affaires judiciaires belges sont, d’une certaine manière, une possibilité laissée à chacun de  » participer  » aux problèmes de société, qu’il s’agisse de pédophilie, de génocide ou d’autres grandes questions de société.

Le concept

La  » participation  » ne peut se définir sans prendre en compte les acteurs qui la revendiquent ou la mettent en place. Participer à un comité de quartier ou instaurer des processus décisionnels participatifs dans une grande entreprise ou encore imaginer les règles institutionnelles de la participation pour une CCAT (Comité Consultatif d’Aménagement du Territoire en région Wallonne) sont des actions très diverses. Lorsque deux organismes ou plus vont travailler ensemble, on parlera également de  » partenariat  » ou de  » réseau « .

Il nous semble cependant que les quelques lignes de force des objectifs poursuivis lors d’un projet, un programme ou un processus participatif peuvent être énoncés ainsi :

  • Favoriser un va et vient entre individuel et collectif, dans une société où les structures dépassent les citoyens tant par leurs dimensions que par leur complexité ;
  • Articuler le niveau local et le niveau global. De nombreuses propositions de participation visent à accroître les implications des citoyens au niveau local.
  • Créer un lien direct entre démocratie directe et représentative ;
  • (Re)créer du lien social entre les individus ;
  • Valoriser l’expertise du terrain (celle des habitants) ;
  • Accroître la crédibilité et l’appropriation des solutions adoptées, ce qui implique de refuser le désengagement des acteurs décideurs (pouvoirs publics – entrepreneurs) ;
  • Inventer de nouveaux modes de communication entre autres pour valoriser les cultures non dominantes (participation des exclus) ;
  • Promouvoir les partenariats et les réseaux ;
  • etc.

Consulter à ce propos la Charte d’Habitat et Participation

Signalons enfin que la terminologie est variable selon les époques. Aujourd’hui, nous entendons plutôt parler de  » citoyenneté active « ,  » d’éducation à la participation « , etc. Ce changement pourrait bien marquer un tournant dans le concept de participation : l’on passerait de la revendication d’un  » droit à participer  » à la prise de conscience d’un  » devoir à prendre part à la vie collective « . D’autres termes vont encore plus loin et portent en eux la marque d’un apprentissage  » apprendre à participer  » ( » éducation à la participation « ,  » pédagogie de la participation « ,  » capacitation citoyenne « , etc.)

Dans cette optique de  » devoir participer « , on peut signaler l’existence d’une Charte des Responsabilités très intéressante, réalisée en 2001-2002 par l’Alliance pour un monde responsable, pluriel et solidaire. (Pour plus d’information sur l’Alliance et ses activités: alliance21).

Ce qui est certain, c’est que faire participer les personnes ne consiste pas simplement à leur donner la parole ou à les informer. Une panoplie d’outils, de méthodes, de formes, de prise en compte des variables temporelles ou de logiques d’acteurs sont nécessaires pour y arriver de manière efficace, voire durable.

Des expériences de participation

 » C’est dans les ghettos américains que la participation institutionnalisée a vu le jour et c’est là qu’elle a été à la fois la plus encouragée et la plus bafouée par le pouvoir. Aux Etats Unis, à partir de 1963, on avait vu des animateurs techniciens dans le domaine du cadre bâti qui avaient choisi de s’intégrer dans ces ghettos et d’y travailler, non au service du pouvoir, mais au profit de cette population, la plus déshéritée. Telle était la base du mouvement dit d’advocacy planning. En France, dès 1968, on commence à s’interroger sur le rôle social et politique des architectes et des urbanistes. Dans les milieux marxistes de la recherche, on analyse l’espace urbain comme lieu et facteur de reproduction sociale. Quant aux habitants, leurs revendications se multiplient. Ainsi, peu à peu, les gens prennent conscience que les enjeux urbains ne sont pas neutres ni purement techniques.

(R. Katan, De quoi se mêlent les urbanistes ? 1979)

La participation institutionnalisée en Région wallonne

En Région wallonne, de plus en plus de projets, de programmes, d’actions du secteur public, requièrent à l’un ou l’autre moment, l’obligation de faire participer la population. Dans les faits, cette participation est souvent envisagée comme – au minimum – un accès à l’information et son champ d’action est souvent le territoire communal. Deux grandes théories s’affrontent quant aux causes qui poussent les pouvoirs publics à recourir à la participation des citoyens :

  1. « Une part des motivations tourne autour d’une conception moderne du management local. Il s’agit d’un décalque de la gestion privée des entreprises par la gestion publique. Venue des Etats Unis et construite sur la critique radicale de la production fordiste, la gestion participative dans les entreprises a pris les formes suivantes : motivation du personnel, gestion par objectifs, cercles de qualité, rapports plus directs entre le sommet et la base par affaiblissement des hiérarchies intermédiaires, mise en réseau de petites unités s’opposant aux grands systèmes pyramidaux,…
  2. La deuxième grande série des motivations se rapporte à un renouveau de la démocratie et des valeurs qui l’irriguent. Faire participer les citoyens à la gestion locale, c’est leur montrer une autre image de la politique, proche d’eux, déterminant les conditions de leur vie quotidienne, forgeant avec eux l’avenir de leurs enfants et de leur cité. Les responsables politiques tentent de se forger une autre image que celle de la politique  » politicienne  » et des  » magouille « . Elle est une réponse émise par les dirigeants politiques face à la déconsidération dont ils se sentent l’objet et qui est si dangereuse pour la démocratie. »

(Horizon local 1997-2001 par l’ADELS – France – 1999)

Voici quelques exemples de participation institutionnalisée en Région wallonne de Belgique. Certains de ces dispositifs ont déjà fait l’objet d’évaluation :

  • La Constitution belge et la publicité des administrations communales : « Chacun a … le droit d’information, de consultation et de négociation collective  » (art. 23 de la Constitution).  » Chacun a le droit de consulter chaque document administratif ou de se faire remettre copie, sauf dans les cas et conditions fixés par la Loi, le décret ou la règle visée à l’article 134  » (Article 32 de la Constitution).
  • L’environnement : information et consultation Le décret du 13 juin 1991 et ses arrêtés d’application transposent en Région wallonne la directive européenne sur le droit d’accès à l’information environnementale. Il s’agit ici essentiellement de la mise en oeuvre d’une information passive. Exemples : les enquêtes publiques, les évaluations d’incidence, les concertations, les commissions consultatives, etc.
  • L’aménagement du territoire : la décentralisation puis le 27 avril 1989, la Région wallonne a mis en place son décret de  » participation-décentralisation « . Il s’agit d’une décentralisation vers le pouvoir communal. Ce phénomène a deux corollaires : la volonté de mettre davantage le pouvoir de décision au niveau local et, dès lors, d’instituer une série de moyens de contrôle pour rester vigilant quant à la bonne exécution des mandats décentralisés. Les pouvoirs de tutelles jouent ici leur rôle. Rapprocher le pouvoir de décision du citoyen sans l’y faire davantage participer semble alors incontournable.
  • Le développement rural : une opération globale Depuis 1976, le Comité Ministériel des Affaires wallonnes définit la notion d’opération rurale, les critères et le subventionnement :  » C’est une opération de développement global combinant dans un schéma directeur (définissant les grands axes stratégiques) aménagement et développement, et associant efficacement dans sa préparation la population intéressée, le pouvoir local, les administrations et les ministres compétents.  » Dans le décret relatif au développement rural du 6 juin 1991, les modalités de participation sont explicitées : des réunions minimum sont imposées ; la consultation et la participation des habitants doivent être effectives au travers de groupes de travail locaux.
  • Les établissements scolaires : un conseil de participation Depuis 1997, un décret définissant les missions prioritaires de l’enseignement fondamental et secondaire explicite l’obligation de créer un Conseil de Participation dans chaque établissement. Sa tâche est de débattre puis d’évaluer la mise en ouvre du projet d’établissement. Il remet également un avis sur le rapport d’activités. Dans les nouvelles pratiques participatives, l’évaluation est perçue comme un outil de citoyenneté active.

Quelques initiatives non institutionnalisées

Voici finalement quelques expériences issues d’initiatives privées ou mixtes très intéressantes parce qu’elles innovent en matière de participation citoyenne :

A Charleroi, il existe des fonds destinés à financer des initiatives issues d’habitants – dans le cadre du Quartier d’initiative Marchienne/Docherie – et de bénéficiaires d’associations – dans le cadre du Relais Social de Charleroi. Grâce à ces fonds, par exemple, des habitants de rue ont offert une fête aux passants  » pour les remercier et leur rendre la monnaie de leur pièce  » sur un pont où ils ont l’habitude de  » faire la manche « . Un comité d’organisation, composé notamment d’habitants de la rue, a été créé et la ville a encouragé et soutenu l’action. ( Relais social de Charleroi tél.: 0032/71/50 67 31 fax.:0032/71/ 5069 36)

A Estinnes, la participation est utilisée pour répondre aux problèmes ou aux projets portés par des groupes. Des collectifs, composés d’habitants, d’élus et d’administration, gèrent des problématiques à dimension collective. Le travail du collectif de Peissant (hameau d’Estinnes), par exemple, a permis d’améliorer, entre autres, certains espaces publics et les relations entre habitants du village.

A l’initiative de la Fondation pour les Générations Futures (vous – pouvez les contacter à l’url suivant : www.foundationfuturegenerations.org) et en collaboration avec la Maison de l’Urbanisme du Brabant wallon, 62 habitants choisis par la société Sonecom (selon la méthode du Panel citoyen) ont remis un avis – après quelques jours de formation, de rencontres avec des spécialistes et de débats en mai 2001 – aux ministres de la mobilité et de l’aménagement du territoire, sur les choix à faire pour réaliser un développement durable et sur la révision du plan de secteur de leur province (Brabant wallon). la Maison de l’urbanisme).

L’asbl Solidarités Nouvelles organise, entre autres, des rencontres, des actions collectives réunissant des personnes qui ont des problèmes de logement (sans-abri, mal logés, résidents de campings, habitants de cités,…) et des  » intellectuels  » (chercheurs, professeurs d’universités,…), des représentants des autorités publiques,… Outre la prise de conscience des réalités de chacun des acteurs, l’un des objectifs est de rechercher des pistes de solutions qui tiennent compte du vécu et des souhaits des  » exclus « . (vous pouvez les contacter à solidaritescharleroi@hotmail.com).

Espace Environnement sensibilise et informe les citoyens en matière de participation en environnement et en aménagement du territoire. La gestion des conflits s’y réalise en concertation avec l’ensemble des acteurs. Les matières concernées sont des opérations en aménagement du territoire (valorisation des centres urbains) et en environnement (prévention des déchets). Les acteurs sollicités sont les citoyens, les techniciens, les entreprises, les administrations,… sous la directive des autorités communales. (vous pouvez les contacter à espace-environnement.be)

De ces expériences, on peut mettre en exergue un point commun : l’habitant, l’exclu,… est reconnu comme un  » expert de son quotidien « , comme une personne qui peut être à l’initiative du projet et/ou peut prendre part à la construction de décisions qui auront une influence sur sa vie sociale, sur son environnement. S’il existe une volonté de part et d’autre (citoyens – techniciens – responsables de décisions), l’utilisation de l’outil  » participation  » renforce l’appropriation et la légitimité de la décision. Ces exemples montrent qu’il est possible de construire des projets et de prendre des décisions qui tiennent compte des besoins, souhaits et contraintes de chacun.

Les difficultés rencontrées

Le terme et le concept de participation étant à ce point galvaudés, il paraît impossible d’amalgamer toutes ces expériences – institutionnelles ou non – pour en décrire les limites. Nous nous contentons ci-dessous d’évoquer, de manière non exhaustive, quelques difficultés en fonction d’un découpage arbitraire en trois grandes catégories : la participation institutionnalisée, la participation-réaction ponctuelle et le processus participatif à long terme.

La participation institutionnalisée a le grand mérite d’exister en Région wallonne et de permettre la mise sur pied de lieux de débats collectifs. Depuis peu, les partis politiques belges mettent en ouvre des nouveaux moyens pour (re)créer le débat entre société civile et politique. Mais bien souvent, dans les exemples institutionnels ci-dessus, l’on ne peut parler de participation réelle parce qu’il s’agit seulement d’être informé, voire d’être consulté. La juxtaposition d’avis individuels n’égale jamais le point de vue collectif. Le manque d’enjeux, en terme de capacité décisionnelle, est une limitation. Les objectifs réels poursuivis ne sont pas toujours bien définis : s’agirait-il d’une participation alibi ? Le ressort de la mobilisation est la présence d’un enjeu réel fort. Certains formes de concertation arrivent cependant à dépasser ces contradictions.

La participation-réaction ponctuelle est généralement celle qui donne les résultats les plus visibles et les plus immédiats. L’échelle locale facilite la mobilisation (par exemple contre l’implantation d’une décharge à proximité). Si le comité responsable de l’action a des objectifs trop généraux ou trop ponctuels, la mobilisation sera de courte durée. Le cadre de ces actions est souvent trop étroit ou mal défini. Une fois l’action passée, le groupe se dissout. Au mieux, il demeure une poignée de gens, une petite structure qui va  » maintenir  » le souci de faire participer l’ensemble des citoyens. Il est impossible de vouloir faire participer les gens sur tout et tout le temps. Cela bloquerait par ailleurs l’ensemble du système. L’animateur de ce genre de participation doit posséder des outils et des méthodes. Un certain professionnalisme s’impose, professionnalisme qui confère parfois à ces  » leaders  » ou  » médiateurs  » ou  » facilitateurs  » un poids tel qu’ils amènent la population là où ils le veulent. Ce type de participation révèle donc une difficulté majeure : celle de mobiliser les individus pour des problèmes qui dépassent leurs intérêts propres, d’où l’objet même de cette participation peut souvent s’avérer très décevant.

Le processus participatif de long terme est décrit par plusieurs expériences innovantes en Belgique et à l’étranger (Penser aux exemples de Budget Participatif (BP) dont l’initiative fut brésilienne) . Ces initiatives montrent que, si l’on veut que les citoyens  » prennent vraiment part  » à ce qui les concerne, il faut instaurer un processus de long terme d’éducation à la participation ou de  » capacitation citoyenne « . L’expérience récente du panel citoyen en Brabant wallon (citée ci-dessus) devrait à terme mener à une implication plus importante de ces citoyens choisis au hasard pour les questions de mobilité.

La limite évidente d’un tel processus est qu’il nécessite du temps et des moyens ; la contrainte des rythmes (lents) et des modalités (complexes) est un frein à la volonté de mettre en ouvre de tels processus. Ce type de participation devrait se travailler dès l’école maternelle et dans les familles. Il ne s’agit plus ici de  » simple  » participation pour revendiquer le droit à prendre part, mais de générer une transformation sociale et une transformation des mentalités qui s’articule en termes de droit mais aussi de responsabilités à prendre part.

Un exemple international : le budget participatif

A Porto Alegre au Brésil, depuis 1989 une nouvelle manière de gérer la ville et notamment les priorités financières de la ville a été instaurée. Tout un processus complexe d’information, de formation, de désignation de responsables locaux a été mis en place pour que les citoyens puissent, s’ils le désirent, peser sur les décisions financières qui les concernent.

Document que vous pouvez t élécharger ici Note méthodologique pour la préparation, mise en place et analyse de processus participatifs définis par le Groupe Participation.

Depuis, de nombreuses expériences similaires dans d’autres pays ont vu le jour (France, Espagne, Allemagne, etc.) y compris depuis peu en Belgique. Le Groupe Participatie dont fait partie Habitat et Participation est chargé de développer ce concept dans des villes belges. (Le réseau du groep participatie – Groupe Participation est composé de:

  • BRAL
  • CNCD Frère des Hommes
  • Habitat et Participation
  • Mensenbroeders
  • Periferia
  • Vlaams Overleg Duurzame Ontwikkeling – VODO
  • Mme Magalie Verdier qui travaille sur des contrats de quartier dans la Région bruxelloise (Tél: 02/513 45 34)
  • RISO
  • Mr Dirk Van Regenmortel

Outils et méthode pour mobiliser

Madame Dupont, échevine pleine de bonne volonté dans une commune belge, a élaboré toute seule un projet de journal communal.  » Il doit être un véritable outil d’information ouvert à tous « , dit-elle. Elle a décidé de lancer son projet de  » manière participative  » et convoque tout le monde (habitants, associations, administration, collègues de la majorité et de l’opposition, médias, …) afin de présenter son projet. Si elle avait vraiment fait cela de cette façon que croyez-vous qu’il serait arrivé ? Comment croyez-vous que ses collègues de la majorité qui n’avaient pas été avertis de son projet auraient réagi ? Comment risque de réagir les habitants ou les comités d’habitants qui viennent à sa réunions ? Pensez-vous que venir dès le départ avec un projet tout ficelé est participatif ?

Cet exemple montre bien que la participation c’est beaucoup plus que  » mettre tout le monde autour de la table « , qu’il y a certaines règles, des étapes à respecter. Comment mettre en place un processus participatif qui porte ses fruits ? Quelles sont les grands principes et les trucs et astuces de la participation? Quel est mon rôle comme habitant, élu, …? Quelles sont les bonnes conduites à adopter lorsque l’on veut promouvoir un processus participatif au sein de projets ? Doit-on faire de la participation tout le temps.

Quelques balises pour la réflexion et l’action…

La participation : des degrés divers

Sachant que la réalité ne se découpe pas en rondelles, nous pouvons cependant, pour des raisons de facilité, proposer le schéma suivant qui permet de visualiser les divers degrés de la participation. L’on peut en effet, de manière minimaliste, estimer qu’il y a participation lorsque les habitants ont connaissance de ce qui se passe dans leur commune.

Il est important de savoir assez exactement, lorsque l’on se lance dans une projet participatif, quel niveau ou quel degré de participation l’on souhaite. Les outils et méthode sont aussi à adapter en fonction de cela. Dans l’exemple ci-dessus, Madame Dupont avait organiser une réunion bien préparée avec un projet déjà ficelé, permettant à la population d’être bien informée, mais pas de pouvoir donner son avis (consultation) ni même de participer au projet (concertation ou co-gestion).

Les degrés de la participation :

  • Délégation de pouvoir
  • Contrôle
  • Concertation
  • Consultation
  • Information

La participation : une dynamique culturelle

Depuis des années, de nombreuses personnes, tant sur le terrain que chercheurs, ont émis un sérieux doute sur la possibilité de faire participer  » en profondeur  » les gens sans prendre en compte leur culture. Participer  » en profondeur  » signifie que, suite au processus participatif, quelque chose aura changé dans la vie de ces individus (la perception qu’ils ont d’eux-mêmes, de leurs voisins, de leur quartier,…). Pour ne citer que quelques noms connus : Alinski, Pierre Henri Chombart de Lauwe, Ita Gassel, etc.

Ces personnes tentent, dans leur pratique, d’impulser des changements durables dans le comportement social des groupes avec lesquels ils travaillent. Pour cela, ils estiment qu’il faut prendre en compte la culture vécue des individus. Par  » culture vécue « , il faut comprendre les rouages profonds, les logiques internes qui font que les gens agissent comme ils le font. Les promoteurs de ces méthodes refusent dès lors tout développement (des individus, des quartiers, etc.) qui se baserait sur l’importation de techniques et de méthodes qui ne sont pas celles des individus eux-mêmes. Pour eux, la  » culture vécue  » des gens se lit dans leur vie de tous les jours (leurs habitudes, leurs valeurs, etc.). Pour arriver à proposer des changements durables à une population, il faut que ceux-ci s’ancrent dans une  » dynamique culturelle « .

Objectifs d’une dynamique culturelle avec les habitants :

1. Les méthodes basées sur une dynamique culturelle des individus cherchent à valoriser les dynamiques qui existent en eux. Elles reconnaissent que les personnes, même celles qui sont classées comme  » à problèmes  » ont des savoirs et des savoirs-faire sur lesquels il faut s’appuyer pour mettre en place des politiques qui leur sont destinées. Concrètement, cela renvoie méthodologiquement à un travail qui consiste non seulement à recenser les  » faiblesses  » ou les  » problèmes  » de personnes ou d’un quartier, mais aussi et surtout les  » forces  » et  » capacités  » de ceux-ci comme levier d’action.

2. Ces méthodes tendent à démontrer que c’est dans les populations  » exclues  » ou  » excentrées  » qu’il existe le plus de potentiels de transformations sociales : une capacité de création ; d’expression et de proposition de nouvelles formes de vie en société.

3. Elles ne nient pas le rapport évident qui existe entre  » culture  » et  » pouvoir  » et le danger qu’il y a à promouvoir des méthodes culturelles qui peuvent s’avérer être des outils de contre-pouvoir pour les groupes non satisfaits par le système de pouvoir en place.

Diverses méthodes existent : rappelons celle d’Alinski qui consiste à sensibiliser les personnes par  » simples  » questionnements, puis de promouvoir la mobilisation de ces individus. Ita Gassel, lui, dans ses groupes de recherche action participative, tentait de partir de la  » culture vécue  » des personnes pour arriver à émettre des propositions basées sur leur réalité. Pierre-Henri Chombart de Lauwe a mené de semblables expériences en France.

Il faut donc prendre conscience qu’il existe des cultures et des sous-cultures diverses qui nous entourent et qu’il faut prendre ce facteur en compte avant de se lancer dans un projet ou un processus participatif.

Il s’agit non seulement de personnes d’origines géographiques différentes (immigrés ou descendants d’immigrés), mais surtout de tous les groupes et sous-groupes sur l’entité communale dont les modes de pensée peuvent varier : les jeunes, les personnes âgées, les chômeurs, les femmes au foyer, les indépendants, les commerçants, les habitants de telle rue ou de tel quartier, ceux qui traversent le quartier sans y habiter, les habitants de vieille souche et ceux de la nouvelle vague, etc.

La participation : partir des motivations

Il faut pour cela se rappeler le contexte historique dans lequel est né le concept de participation : dans les années ’70 et comme une revendication.  » Donnez-nous les moyens de participer ! « . Des outils et des méthodes ont été créés en ce sens. Nous étions alors dans un contexte de pénurie d’outils et de demande de participation.

Mais aujourd’hui, on ne revendique plus de participer. Tout au plus la revendication est-elle au niveau du contrôle citoyen sur les actes de politique publique (rarement sur le privé ? ? ?). Le contexte a changé : nous sommes dans un contexte d’abondance d’outils d’une offre de participation. Il faut donc gérer cela différemment et proposer des outils – méthodes adaptés à cette nouvelle situation. Ce qui paraît évident aujourd’hui, c’est que l’on fonctionne davantage dans un système d’offre de services et de produits vers un public-client. Dès lors, il est indispensable de se poser la question de la motivation de ce client (théories de la motivation depuis Maslow en 1943).

Il est par ailleurs évident qu’on ne motive pas de la même façon un chômeur, une personne au foyer, un cadre supérieur, un sans-abri. Comme on ne motive pas de la même manière selon qu’il s’agisse de protection du patrimoine, du logement, de la mobilité, de la santé, de l’école, etc. Se poser la question de la motivation permet, selon moi, de ne pas choisir un outil parce qu’il est intéressant ou a bien marché ailleurs, mais en fonction de sa capacité à motiver, à mobiliser les personnes que l’on cherche à mobiliser.

Un exemple de méthodologie de la motivation : la pédagogie du micro-projet

Voici quelques principes d’action sur lesquels reposent la pédagogie du micro-projet. Ces principes sont, à leur manière, des éléments de motivation pour les individus.

1. Menez des actions qui touchent les gens dans leur quotidien. Ne proposez pas une mobilisation pour des objectifs trop éloignés du vécu quotidien de vos concitoyens ;

2. Posez-vous d’emblée dans une dynamique de succès en faisant participer les personnes à des actions dont vous êtes à peu près certain du succès. Ceci aura pour conséquences de légitimer et de crédibiliser les professionnels impliqués (dont vous). Pour y arriver :

3. Choisissez un projet de faible ampleur pour lequel vous obtiendrez facilement des fonds. Les moyens sont limités et les budgets sont votés annuellement. Il faut opter pour des actions pour lesquelles les fonds seront assez facilement disponibles dans le prochain budget ;

4. Optez pour une action qui ne suscite pas trop de controverses entre les diverses parties de la population. S’il s’agit d’un problème trop  » chaud « , les joutes entre adversaires ne permettront pas la mise en actions du projet avant longtemps ;

5. Proposez de prime abord des projets qui seront rapidement réalisés car les personnes ont vite tendance à se démobiliser si elles ne voient pas de résultats immédiats. Une remobilisation est alors d’autant plus difficile que l’action précédente a été décridibilisée ;

6. Ne cherchez pas trop rapidement à collectiviser les problèmes des individus. Chacun d’entre nous aime à être entendu dans ses demandes, ses plaintes individuelles. Même si l’on peut se rendre compte que les autres habitants ont les mêmes demandes, il est important que durant un premier temps celui qui a émis un souhait ne se sente pas directement  » rattrapé  » par le groupe. (Il ne s’agit pas ici de proposer des actions de clientélisme, mais seulement de garder à l’esprit le besoin d’individualité des personnes).

Dans nos programmes de formation ou nos interventions, c’est un point essentiel que nous traitons.

Quelques exemples d’outils et de méthodes

  • La carte des acteurs – le tableau des acteurs
  • L’enquête
  • La pédagogie du micro-projet
  • Une animation en arrête de poisson (Ishikawa)
  • Les logos d’animation
  • Les photolangage
  • Les cartes mentales
  • Les promenades sur le terrain
  • L’exposition ou le montage dias
  • Les fiches d’expériences
  • Etc.

Un code de bonne conduite

Habitat et Participation, au nom du Groupe Participatie, a initié un travail de réflexion sur l’élaboration d’un code de bonne conduite en matière de participation avec l’aide du groupe d’appui  » Budget et politiques participatives  » des Alliances pour le développement durable.

C’est un travail en cours d’élaboration qui se base actuellement sur la pratique du Budget Participatif de Porto Alegre, sur des expériences locales en Belgique et sur les réflexions de ce groupe d’appui.

Vous pouvez técharger le code de bonne conduite en cours de construction collective. Toute suggestion pour nous aider à sa construction est la bien venue à contact@habitat-participation.be

Documentation

  • « La participation : conseils et méthodes pour développer la qualité de l’animation de la vie associative », séminaire Edouard Limbos, éd. ESF, 1986, Paris, pp 162.
  • « Les habitants aménageurs », Pascal Percq, série Territoires et Sociétés, éd. De l’Aube, 1994, Paris, pp 94.
  • « De la participation des habitants », Pierre Mercklé, publié par l’AITEC avec le concours de la Commission européenne, Hors série n°12, 1995, Paris, pp 126.
  • « Participer : le concept » et  » Participer : les techniques  » in Revue Informations sociales, n° 43 et 44, 1995, Paris.
  • « Les habitants dans la décision locale » in revue Territoires, n°400, nov. 1999, Paris.
  • « La démocratie locale : représentation, participation et espace public », CRAPS et CURAPP, éd. PUF, 1999, pp 424.
  • Divers ouvrages réalisés par le réseau Capacitation Citoyenne, éd. Arpenteurs 2000,

contact : Patrick Bodart, periferia@skynet.be

Notre expérience utile

  • les midis de la participation (ateliers – débat) dans le cadre des cycles de formation en matière d’Aménagement du Territoire et de l’Urbanisme (Direction Provinciale de l’Urbanisme) : une quinzaine d’ateliers ont été réalisés à ce jour ;
  • dossier  » L’élu communal et la mobilisation des acteurs  » (2000). Destiné aux élus et aux personnes actives au niveau communal, il rappelle quelques bases essentielles pour initier des processus de participation ;
  • dossier sur le choix d’outils et de méthodes de participation réalisé dans le cadre d’un  » Parcours citoyen  » (juin 2000) – atelier consacré à la participation des citoyens à l’aménagement et au développement de la commune;uanimations de comités de quartier (à Bruxelles, dans le cadre d’un contrat avec la Ville de Bruxelles pour la mise en place d’une Maison de la Participation) et animations de groupes d’habitants, notamment en matière d’aménagement de places de village (en Région wallonne) ;
  • collaboration à la réalisation d’une étude sur l’aménagement du territoire et la participation dans les communes wallonnes (1989). Le volet traité était relatif à la communication entre les communes et les habitants (analyse des attitudes, des outils, des réalisations, … ).

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